mercredi 15 octobre 2008

Cher François


Tes QCD (quelques considérations désorganisées) m’ont l’air plutôt bien ficelées et spéculantes. Je n’ai rien à redire, juste ajouter un peu de QCD de plus :

1. Sur les déroutes collectives, déjà.
Les mouvements de foules, grande sœur de la baston générale et muse de la hola, sont toujours des spectacles fabuleux sans cohérence apparente ou avec une telle détermination interne qu’il devient enivrant d’en suivre le mouvement comme seule forme de notre incapacité à en capter le fonctionnement, la magie.
La déroute elle-même est le signe de l’art pour Pierre-Damien Huyghes (le différend esthétique).
La foule et l’anonyme deviennent art avec la photo pour Rancière (le partage du sensible).

2. Un peu plus haut, ce que tu dis du théâtre.
Il est difficile d’établir une économie collectif/individuel lorsque domine encore, comme culture, l’ambition de la réussite individuelle et par là, peut-être se produit, comme un résidus, un « élévement » collectif. Il y a chez Brecht (que je ne connais pas bien) et chez les Straub que j’ai un peu plus vus (toujours en dormant cinq minutes au début comme si effectivement il fallait changer de monde – de système - pour les voir eux et leurs films. Lorsqu’ils sont d’ailleurs, eux-mêmes starifiés dans ce très bon film qu’est Où gît votre sourire enfoui http://www.youtube.com/watch?v=VvFsTjOnrhc, je ne dors pas…), il y a une tentative de mettre en scène des situations où les corps sont (seraient) les supports des idées plus que leur propre manière, il n’empêche, et les Straub activent cette donnée, que la sensualité de chaque corps donne à l’idée ce qui lui manque pour être (et pour être cinématographique). On ne peut que difficilement sortir de l’individu et pourtant : voir 1.

Personnellement - donc avec l’intérêt que ça n’a que pour moi - je préfère le combat à un contre plusieurs ou le geste individuel qui ne repose pas sur l’effort des autres. C’est comme une méfiance mais ce n’est qu’illusoire, on récupère toujours un bout de quelque chose qui ne nous appartient pas : on réfléchit.

3. Ta vision des systèmes comme (anti-)matière première, sol prêt pour fertilisation, surface d’accueil est imparable, c’est l’hypothèse la plus sage, celle de Foucault d’ailleurs, pour autant je ne sais pas si le système est la garantie évidente – la seule - des variations, s’il n’y a pas tout de même de variation en soi, s’il faut toujours une référence… il y a cette phrase du collègue de Mickaël Youn qui disait « si la vie avait un sens on prendrait l’autre », bon d’accord c‘est pas Foucault mais, la phrase questionne la donnée d’un système de base assez facilement…
Il est plus certain de produire des variations à partir d’un système, mais je me demande toujours s’il n’y aurait pas un système perturbé (pertubant/turbulant) qui serait lui-même générateur de variations ? Peut-être alors un système n’est que la première variation.

Passer des heures à causer des variations c’est une variation.

4. Et le corps, l’acteur est le porteur déterminant d’une intention volontaire ou non, par exemple de faire rire ou pas, et à l’intérieur de ce phénomène il est plus sage d’y voir un système, disons un référant, et pourtant la fluidité du passage de l’un à l’autre (position rire, position pas rire) a l’air tellement furtive et déroutante qu’on aurait bien du mal à la faire correspondre à un système… causer des variations.

dimanche 12 octobre 2008

Quelques considérations désorganisées


proposition de départ : le théâtre comme sport collectif. élucubrations diverses.

idée d'équipe, de direction commune ; l'acte collectif (le jeu) met en valeur l'individu (le comédien), qui, même lorsqu'il brille individuellement, sert le but commun (ou du moins il essaie)

Accompagner le porteur de balle, le soutenir. Concrètement, on irait vers une sorte de théâtre total - plus de mouvements individuels, à inscrire dans un mouvement global - collectif.
Difficulté de ce genre de théâtre - déroutant, fatigant. Il s'agit réellement de chorégraphier les mouvements individuels pour ne pas avoir d'action parasites.

L'ensemble, comme système contraignant (une place à chacun), n'existe que pour permettre les permutations et variations nécessaires à provoquer le déséquilibre ; car il en va en football comme en théâtre ou dans tout art narratif ; les ruptures sont essentielles, le déséquilibre est vital, ne serait-ce que pour son effet de surprise (donc spectacle ; dose de surprise et de mystère nécessaire à tout art (Bacon) ; idée de dérouter (faire peur) tout en gardant une cohérence globale nécessaire à la bonne conduction de la narration (émotion, grossièrement, 'faire rire' (1)).
On pense à Kandinsky ("être toujours autre part") ; mais c'est bien le système qui permet la grande efficacité des variations. (On peut ensuite passer des heures à causer de variations, de système, d'équilibre entre les deux, allant jusqu'à par exemple proposer un système de variations, à l'instar d'un Jacques le fataliste).

Enfin, de l'importance du soutien - le Caravage, qui souvent introduisait un personnage-spectateur dans ses compositions, simplement pour mettre en relief la force de la scène, la dramatiser ; et le napolitain partage ceci avec Raimu qui, voulant éduquer un jeune comédien, lui enseigne d'abord un 'truc' pour faire rire la salle sur une réplique précise - inévitablement, le comédien l'utilise, et la salle rit ; le lendemain, rebelote, mais personne ne rit. Sortant de scène, troublé, le comédien demande à Raimu ce qui a cloché - Raimu répond alors que si la salle n'a pas ri, c'est que lui-même ne voulait pas qu'elle rie ; et, par son attitude, il a désamorcé la réplique, truc ou pas truc. C'est dire l'importance qu'ont les regard, positions les plus anodines sur une scène, et leur impact sur les spectateurs ; c'est dire aussi, bien sûr, le talent de Raimu.



(1) "l'art, c'est ce qui fait un peu peur et un peu rire" - Dubuffet. Vision raccourcie d'Eros et Thanatos, donc.

jeudi 2 octobre 2008

un rapide message pour communiquer une nouvelle expression transversale au foot et à l'art : la touche.

en peinture, on parle de la touche du peintre, sorte de signature discrète, remise à l'échelle humaine de la toile.

en football, la rentrée de touche, accordée à l'équipe qui n'a pas sorti le ballon, est le seul moment où un joueur de champ est autorisé à toucher la balle à la main.

On peut bien évidemment dériver ce beau monde et aller voir du côté du verbe toucher (palper, le sens du toucher : important en football comme en art, les sens. On parle également d'un bon touché de balle pour un footballeur), voire du côté de la pierre de touche en architecture.

Emmanuel Kant lui-même, dans un accès de fooiétique incontrôlée, disait "le sublime touche, le beau charme"(1)


et pour conclure, et comme dirait Cyrano, à la fin de l'envoi ... je touche ! (2)





(1) Kant, extrait des Observations sur le sentiment du beau et du sublime
(2) Rostand, Cyrano de Bergerac